Pierre Dac

Phèdre (à repasser) ou parodie tragique
En 1935, Pierre Dac écrit Phèdre (à repasser), une parodie de la pièce de Racine. Les personnages changent alors de nom : Si Phèdre et Hippolyte conservent leur idendité, il n'en va pas de même pour Oenone qui devient Pet-de-Nonne ou Thésée reconverti en Théramène. Le texte, parfois très cru, est bien loin de la notion cathartique d'Euripide ou même Racine. En effet, les seuls sujets nobles subsistant dans cette pièce sont dénaturés : la première didascalie de la pièce est "Le Choeur, gueulant".
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Phèdre (à repasser), mise en scène Danièle Zanardo |
Cependant, des éléments sont conservés, bien que détournés : l'intrigue est semblable, et le ton grandiloquent des alexandrins raciniens adopté également par Dac permet à la fois de mettre en emphase mais aussi, par contraste, de faire ressortir le ridicule entre la prétendue noblesse des personnages par rapport à leur langage, quoiqu'Hippolyte conserve une manière de s'exprimer très courtoise et ne jure pas. Là encore, l'expression d'Hippolyte ne fait que mettre en contraste la grossièreté de Phèdre.
Une différence assez intéressante, est que dans cette pièce, Phèdre meurt en même temps qu'Hippolyte, le piégeant : Sa mort se caractérise surtout par le refus de continuer à voir Hippolyte après qu'il l'a déshonoré. Contrairement aux autres pièces, Phèdre est la propre mère biologique d'Hippolyte. Cependant, elle assume complètement son désir (parce que, dans le cas présent, on ne peut pas parler d'amour) pour le jeune homme, sans se sentir coupable ou songer une seconde à l'immoralité de cette attirance. En fait, tout le long de la pièce, il n'est pas question de morale : Comment Dac pourrait-il écrire à ce propos quand lui-même la refuse tant qu'il peut ?
Dac fait ici appel à un personnage connu de la culture collective, incarnation même d'une pureté maudite, et la ridiculise. Le principe de l'imitation burlesque, poussé à l'extrême, fait perdre toute na noblesse à Phèdre, de qui les actes et la langue nous rapprochent.
Dac, lors de l'entre-deux-guerres, comprend bien que dans une atmosphère aussi pesante, ce que les gens ont besoin, c'est de rire. Phèdre, en tant que personnage, sert désormais de distraction, privée de sa grandeur d'antan, elle n'est plus qu'une nymphomane humiliée et moquée de ceux qui la lisent.
Dac, lors de l'entre-deux-guerres, comprend bien que dans une atmosphère aussi pesante, ce que les gens ont besoin, c'est de rire. Phèdre, en tant que personnage, sert désormais de distraction, privée de sa grandeur d'antan, elle n'est plus qu'une nymphomane humiliée et moquée de ceux qui la lisent.
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Extrait de la mort de Phèdre
PET-DE-NONNE
Elle respire à peine, elle va
s'étouffer...
PHÈDRE
Ben, c'est pas étonnant, j'ai
c't'Hippolyt' dans l'nez!
Je veux dans le trépas noyer tant
d'in-famie
Qu'on me donn' du poison pour
abréger ma vie!
SINUSITE
Duquel que vous voulez,
d'l'ordinaire ou du bon?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug', celui qui
fait des ronds.
Qu'est c'que vous avez donc à
m'bigler d'vos prunelles ?
Ecartez-vous de moi!
(A Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un voeu suprême sans trahir
ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la
dernière fois.
(Les
servantes apportent deux bols.)
A la tienne érotique sablonneux et
casse pas le bol !
(Elle
boit)
Oh Dieu que ça me brûl', mais
c'est du vitriol !
HIPPOLYTE boit
Divinités du Styx, je succombe
invaincu
Le désespoir au coeur...
PHÈDRE
Et moi le feu au cul !
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