Le théâtre classique débute sous Louis XIV, période où une certaine stabilité politique et même culturelle est recherchée, beaucoup d'Académies pour tout arts confondus sont crées, dans le but de réglementer les compositions d'auteurs, qui doivent respecter un nombre de règles :
Tout d'abord, la règle des
trois unités, unité de temps de lieu et d'action.
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Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul acte accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli."(l'Art poétique - Boileau)
Elle consiste à restreindre l'action dans un espace unique, se déroulant en moins de vingt quatre heures, sans intrigues secondaires.
Ensuite la règle de
bienséance, visant à ne montrer aux spectateurs aucune scène de violence, de sexe, de mort, ou même de contact physique. Ces actes sont seulement suggérés et se passent dans les coulisses à l'abris des regards. On parle d'un théâtre de paroles. Mais la bienséance montre aussi un héros qui a des sentiments conformes à son rang.
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Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose
Les yeux en la voyant saisiront mieux la chose;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux."(l'Art poétique - Boileau)
La règles de
vraisemblance dévoile une action possible, crédible, sans situation fantastique ou extraordinaire.
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L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas" (Boileau)
La catharsis prend une tout autre tournure, on ne peut désâment plus la comparer à celle qu'on trouvait dans l'antiquité, qui visait à purger les passions en montrant le destin terrible qui attend les héros qui se sont soumis à leurs passions. La catharsis prend un aspect moral, que Racine décrit lui même :"La tragédie, écrit-il, excitant la pitié et la terreur, purge et tempère ces sortes de passions, c'est-à-dire qu'en émouvant ces passions, elle leur ôte ce qu'elles ont d'excessif et de vicieux, et les ramène à un état modéré et conforme à la raison"(Œuvres complètes - Racine)
Architecture du théâtre classique :
Comme on peut le voir ci contre, l'architecture des théâtres du XVII ème prend sur un modèle italien, les salles sont réaménagés, avec des scènes de forme cubique, hautes et profondes avec des mécanismes nouveaux, et un grand rideau qui sépare la scène des spectateurs. On retrouve à la façon des théâtres de l'antiquité l'organisation des spectateurs dans la salle, en fonction de leur rang social :la noblesse et la bourgeoisie accédaient aux meilleurs places, situées dans les galeries ou les loges, allant même jusqu'à parfois s'installer sur des banquettes sur scène, le peuple lui reste debout au parterre.
Pour les décors, ils n'étaient pas extravagants parfois de simples toiles peintes et accessoires. Mais n'oublions pas que les règles imposent un décor vraisemblable et que malgré quelques troupes financés par le Roi, le théâtre reste un art encore controversé à l'époque. Les costumes étaient d'époque, et changeaient selon ce que la mode de la Cour exigeait.
ce théâtre s'inspire de l'antiquité, il est encadré par l'Eglise et le Roi Louis XIV lui même, ce qui fait que ces pièces respectent aussi une certaine éthique et morale.
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salle de théâtre classique |
Phèdre, une tragédie classique
La pièce que nous allons étudier ici s'intitule "Phèdre" de Racine, elle a été écrite en 1677, en pleine période classique.
Réécriture de Phèdre par Racine : Racine reprend le mythe, en insistant surtout sur la passion dévorante de Phèdre pour Hippolyte. La princesse, épouse de Thésée, tombe amoureuse d'Hippolyte, et se sent peu à peu dévoreé par cet amour immoral et incestueux, au point de ne plus supporter sa propre existence et d'en venir à s'empoisonner pour se purifier de ses passions. C'est d'ailleurs à la fin de la pièce qu'elle se raisonne enfin et avoue son crime : sa mort est morale. On observe même le caractère inévitable de son sort dès la naissance de ses sentiments, car déjà elle veut mourir; on est dès lors réellement dans une tragédie.
Phèdre est aussi caractérisée dans cette pièce par sa jalousie pour Aricie, cette jeune fille aimée par Hippolyte, car dès lors, elle ne peut plus se consoler en prétendant qu'Hippolyte fuit l'ensemble des femmes, car c'est seulement elle qu'il fuit. Phèdre est alors amoureuse mais aussi jalouse et apeurée par le retour imminent de son mari Thésée.
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Phèdre, Cabanel, 1880 |
Dans cette réécriture, Racine s'intéresse particulièrement à la psychologie de Phèdre. Elle n'est plus, comme on pouvait le voir chez Sénèque, un monstre asservi par ses passions, qui se voue jusqu'à la fin à son amour pour Hippolyte, allant jusqu'à se lier pour toujours à lui dans la mort. Ici, Phèdre se sent coupable de ce qu'elle ressent, elle se déteste elle même, car elle a conscience de l'atrocité de ses sentiments, et le tournant majeur de cette réécriture dans le personnage de Phèdre est là et constitue un retour à la pièce originelle d'Euripide. Le monstre à la fin de l'histoire se purifie de ses passions, et se moralise. Il est évident que Phèdre est bien plus qu'une femme amoureuse, on parle même d'un personnage "multiforme" : on la voit évoluer au fil des actes, mais toujours au gré de son amour.
Pourquoi ce côté moralisateur dans le Phèdre de Racine ? La réponse est simple : on a pu observer que le théâtre classique imposait cette morale dans la tragédie; c'est pour cette raison que Racine écrit cette fin non pas heureuse car c'est impossible, mais plus une fin atténuée. L'acte digne et courageux de Phèdre prend une valeur exemplaire.
N'oublions pas que la tragédie classique est esthétique et dédiée à plaire à la Cour, de ce fait le spectacle se doit d'être beau, juste et noble.
On assiste entre Phèdre, Hippolyte et Aricie à un
triangle amoureux, Racine définit l'amour d'Hippolyte pour Aricie comme une faiblesse, qu'Hippolyte lui même admet. Hippolyte qui se croyait au dessus de tout attachement, sans doute pour ne pas reproduire les amours volages de son père Thésée, ne s'était voué qu'à la chasse, sans éprouver aucune attirance envers les femmes. Cependant, il tombe amoureux d'Aricie, ennemie jurée de Thésée, et un conflit intérieur se mène dans l'esprit d'Hippolyte. Politiquement, son amour est une faute, tandis que l'amour de Phèdre pour Hippolyte est incestueux, et impossible moralement.
On peut en conclure que pour Racine dans cette pièce l'amour est soit issu d'une malédiction divine, donc à interpréter comme une punition, ou comme une faiblesse et encore comme une faute grave, on a donc un portrait de l'amour très négatif, une force incontrôlable et inexplicable, contre laquelle on ne peut pas lutter.
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Phèdre et Hippolyte, Pierre Narcisse Guérin, 1774 |
On peut observer des éléments similaires aux réécritures de ses prédécesseurs, notamment l'intrigue, qu'il emprunte à Euripide : l'amour puissant de Phèdre pour son beau fils, le suicide de celle ci et enfin l'intervention de Neptune. Mais Racine emprunte à Sénèque l'élément majeur de sa pièce : le héros n'est pas Hippolyte mais Phèdre, elle revient à la place centrale de la pièce. On sait aussi qu'il a emprunté à Ovide et Virgile d'autres éléments de sa pièce.
Cependant, on trouve des éléments nouveaux dans cette réécriture, qui témoignent de son originalité, comme l'importante participation d'Oenone dans ce drame, qui n'est plus un personnage secondaire. Ou encore un changement majeur de rang social pour Aricie, qui s'élève au rang de princesse, ce qui permet l'amour politiquement impossible entre elle et Hippolyte. Le départ et retour de Thésée a une importance majeure car elle redéfinit cette tragédie, désormais Phèdre n'a pas le temps de décider de son sort, la continuité des événements est orchestré par Thésée.
En réalité, l'originalité même de Racine, est de faire de Phèdre un "
humain", une personne qui a une certaine morale et même intelligence, et c'est l'évolution de la folie amoureuse de Phèdre qui détermine la démarche tragique, et c'est en avouant sa passion dévorante que Phèdre devient un être responsable et humainement faible, inspirant notre compassion.
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Extrait de la mort de Phèdre
PHÈDRE
Les moments me sont chers écoutez-moi, Thésée :
C'est moi qui sur ce fils chaste et respectueux
Osai jeter un oeil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu'Hippolyte, instruit de ma fureur,
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :
La perfide, abusant de ma faiblesse extrême
S'est hâtée à vos yeux, de l'accuser lui-même.
Elle s'en est punie, et, fuyant mon courroux
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :
J'ai voulu, devant vous, exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu'à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;
Déjà je ne vois plus qu'à travers un nuage
Et le ciel et l'époux que ma présence outrage ;
Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté
Rend au jour qu'ils souillaient toute sa pureté