jeudi 18 février 2016

Conclusion générale


En fait, la pièce comme le personnage de Phèdre ont évolué avec les sociétés dont ils étaient issus. En effet, Alors que le théâtre lui-même change, dans sa construction comme sa fonction, les principes mêmes qu'il partage semblent évoluer :

Dans le théâtre grec, la fonction du théâtre est religieuse : Pratiqué durant les Dionysies, il s'agit avant tout de danse et de chant en l'honneur des dieux. Les pièces sont écrites spécialement pour des concours, et jouées dans un unique cycle comportant trois tragédies et un drame satyrique. Ainsi, ces tragédies mettent en scène un  ou plusieurs personnages atteint d'"hybris", de folie, afin de provoquer dans le public une "catharsis", qui vise à purger ses passions et inculquer un respect aux dieux. Phèdre, dans la pièce d'Euripide, a cependant un rôle d'exemple, de prétexte : le vrai héros de la pièce est Hippolyte qui, pour avoir défié Aphrodite, la méprisant, trouve la mort. Phèdre n'est qu'une victime de son sort, contre lequel elle essaye de lutter.

Le théâtre romain, quant à lui, trouve déjà plus une notion de divertissement. Sénèque est un auteur qui, particulièrement, se concentre sur la personnalité des personnages, en la développant de manière à les dépeindre de la manière la plus monstrueuse possible : ces personnages sont en effet appelés les "Monstres sénéquiens", et Phèdre en fait partie.La pièce porte donc son nom : Cette fois-ci, Phèdre est et désire être coupable : elle se précipite vers sa mort sans tenter de lutter contre sa malédiction, qui n'est qu'un prétexte pour elle pour laisser éclater le monstre en elle. Ainsi le "dolor" dont elle souffre prend racine dans son amour impossible pour son beau-fils; il devient "furor" quand elle est rejetée par celui-ci et elle sort de l'humanité, commet son "nefas" en l'accusant de viol auprès de Thésée, signant son arrêt de mort.
La notion de "catharsis" n'est plus présente comme chez Euripide : les personnages sont grecs, et finissent par sortir de l'humanité. Ainsi le public ne se sent pas concerné, car une mise en distance est faite. Sénèque exploite en fait la notion de monstre afin de mettre en valeur une beauté, une esthétique à but purement divertissant.

Le théâtre humaniste de la Renaissance comme nous avons pu le voir nous offre un théâtre qui s'inspire directement de l'Antiquité et la richesse de son art, en y ajoutant toutes les évolutions techniques et sociétales de son temps.
On découvre un théâtre esthétique et divertissant, destiné principalement à la noblesse. Des comédies peu nombreuses et des tragédies modernes. Hippolyte ici diffère peu de ses anciennes réécritures, et Phèdre reste fidèle à elle même. On doute de l'originalité de cette pièce, quand on la compare à celle qui suivra et qui connaîtra un succès incroyable la "Phèdre" de Racine.

Le théâtre classique est donc dans la lignée directe du théâtre de la Renaissance, l'esthétique et la morale règne, les pièces doivent plaire absolument à la Cour, les règles de mise en scène sont puisées de l'Antiquité. Ce théâtre est lui aussi représentatif de la société de son temps, à l'image de l'autorité suprême, l'arbitre des arts : Louis XIV.
Ici Phèdre est traitée avec une certaine humanité, qui inspire la compassion du spectateur : elle subit ses passions et a conscience de leur atrocité, elle essayera de les combattre en vain. Pour finalement se repentir à la fin de la pièce, avant de se suicider, ce qui prouve la morale très présente à cette époque, et aussi l'omniprésence de l'Eglise "faute avouée à moitié pardonnée".
Le théâtre classique est donc un tournant majeur dans la société, et "Phèdre" en est le miroir.

Le théâtre de Pierre Dac, par une pièce courte et vulgarisée, s'adresse à un large public. Il prive Phèdre de ses lettres de noblesse et la rabaisse à un rang populaire, attirée par quelque chose qu'elle ne peut avoir. En 1935, il est vrai que tout le monde n'a pas le temps, l'envie ou les moyens d'aller au théâtre; aussi, il imagine une pièce simple qui parlera à l'imaginaire collectif, divertissante, et qui ne pourra être qu'écoutée, par exemple à la radio, où l'auteur travaille. Ainsi, sans nécessiter trop de capacités intellectuelles, les auditeurs peuvent se détendre et passer un bon moment. Dans cette pièce, tout est en noir et blanc : le burlesque tourne une tragédie antique en ridicule, jusqu'à l'extrême, la folklorisant.

Le théâtre réaliste du XX/XXIème siècle est comme nous l'avons constaté un théâtre sans artifices ni situation fantastique, il est concrètement le miroir de la société de son temps. Il est cru et très subjectif, comme nous l'avons démontré avec la pièce de Sarah Kane.
La vision de cette auteure de notre société est un des aspects que nous ne désirons pas voir, à savoir la violence physique et morale, qui nous entoure au quotidien. On s'attache beaucoup à la psychologie des personnages, car ils sont souvent proches de nous, dans leur langage, leurs réactions... Ce n'est plus du jeu mais une mise en scène de la réalité. Les pièces contemporaines sont assez controversées par les critiques, estimant que le théâtre est un art purement classique, et dont il ne faut pas s'en écarter.

Cependant, la société évolue, constamment. L'art doit évoluer si il veut garder une de ses fonctions, être représentatif de son époque et de sa société. L'art est le témoin du monde, du commencement de notre existence à aujourd'hui encore, et nous devons perpétuer sa fonction représentative.

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